B- A quoi te sert la loyauté envers toi-même puisque tu comptes te foutre en l’air?

A - Si je me suis donné ce délai pour mourir c’est pour trouver une raison de vivre

C- Ben voyons ! Pleutre, lâche ! Mini-Déesse se donne un délai ! Un délai pour quoi ? Parce que tu penses que le courage que tu n’as pas de vivre va t’aider à mourir ?

B- Et tu ne l’as pas trouvée et tu ne la trouveras pas car tu es incapable de la chercher vu que tu en as déjà une. Ta raison de vivre c’est justement cette échéance, tu n’existes que dans l’attente d’une conclusion recopiée, tu triches avec la mort. Tu vis dans une parenthèse morbide, une planque fétide où chaque jour qui s’achève te rapproche un peu plus de ton but. Quand ce jour-là arrivera, il te faudra vite trouver une autre raison de vivre. Il faudra te trouver un nouvel objectif, un autre projet... N’importe lequel. Mais un projet qui te permette de partir loin de toi, je veux dire loin de ces ombres qui t’habitent, et que n’as jamais voulu chasser jusqu’alors.

B - Je suis sûre que tu ne vas pas te flinguer. Si tu voulais vraiment le faire, ça ferait un bail que tu serais dans l’au-delà. Tiens maintenant par exemple, tu pourrais te jeter par la fenêtre. On est au 6e, aucune chance de te rater. Pendant quelques secondes, tu auras même la sensation de vivre enfin, quittant la pesanteur de ton existence funèbre,

C- Et qui sait ? Si tu croisais le voisin de rêve à sa fenêtre – à ce moment – tu lu diras quoi en passant ?

A - J’ai décidé que ce ne serait pas avant mon trentième anniversaire. En attendant, je ne fais que tenir mon engagement. 

B -Foutaises ! L’engagement dont tu parles ce n’est rien d’autre qu’un défi diabolique lancée par une ado idiote à la femme intelligente que tu allais devenir, comment as tu peux laisser cette petite conne t'exhorter de trouver une putain de raison de vivre pour échapper à son verdict arbitraire. Une raison que tu ne pourras jamais trouver, tu sais pourquoi ? parce que tu ne la cherches pas.

 

(long silence)

 

B - Je me demande ce qu’on ressent quand on ne ressent plus rien... 

A - La réponse est dans ta question

C- La réponse tu la connais, et tu sais que j’ai la délicatesse de ne pas te poser de question, ne crois-tu pas ?

B – Non... il y a autre chose. J'en suis sûre. Même quand on a perdu le goût des choses, qu’on ne trouve plus de plaisirs à la vie, qu’on n’a plus envie de rien... tant qu’on n’est pas mort, il doit bien rester quelque chose, en soi, comme une sensation ultime, rien de ce que l’on ressent habituellement... Et ça, on doit bien pouvoir le sentir.